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in the mood for cinema - Page 37

  • Le Festival International du Film Culte de Trouville-sur-Mer créé par Karl Zéro en juin 2016

    affiche trouville.png

    Juste après le Festival du Film de Cabourg  qui aura lieu du 8 au 12 juin 2016 et qui célèbrera cette année ses 30 ans, presque trois mois avant le Festival du Cinéma Américain de Deauville et le Festival Off Courts de Trouville, voilà un nouveau festival sur la côte normande qui devrait ravir les cinéphiles et dont vous pouvez d'ores et déjà découvrir la magnifique affiche ci-dessus.

    La 1ère édition de ce Festival au concept original se déroulera ainsi du 16 au 19 juin prochain à Trouville-sur-mer.  Région culte s’il en est à l’écran (“Un singe en Hiver“, “Un homme et une femme“, etc…), le choix de Trouville-sur-Mer s’est imposé d’emblée.  ! Comme le souligne Karl Zéro, fondateur du Festival, « Un film devient culte lorsque le public le désigne comme tel. C’est pour cela que notre jury - qui sera constitué uniquement de personnalités… cultes -sera à l’image des spectateurs auxquels nous dédions ce Festival : des gens venus de tous les horizons, pas que des « professionnels de la profession ». Le culte, c’est le trait d’union entre le populaire et le visionnaire. Notre ambition est d’installer de façon pérenne ce nouveau rendez-vous pour permettre de mettre en lumière davantage de talents, d’audaces, de tons, d’univers dans autant de films sélectionnés parce qu’ils sont inattendus et originaux.»

    Pour sa 1ère édition, le Festival  décernera les prix  suivants :

    Dans le cadre de la Compétition, les prix seront attribués à des films   inédits :

      Le Grand Prix du Film Culte de l’Année 2016 qui auréolant une œuvre lui permettra de se distinguer avant même sa sortie en salles, afin de trouver ainsi plus sûrement son public. 

     Le Prix « Aldo Maccione » du Meilleur Réalisateur qui prouvera qu’il suffit parfois de faire un petit pas de côté - comme Aldo dans sa célèbre démarche - pour changer l’angle d’une histoire, et lui donner un relief particulièrement novateur.

    Ces deux films seront élus par le Jury parmi sept films inédits présentés dans le cadre de la Compétition, et présentés sur la scène du Festival par leurs réalisateurs/acteurs.

    Dans le cadre de la Rétrospective, le public peut voter sur le site internet  www.festivaldufilmculte.com ou sur la page Facebook «  Festival International du film Culte » pour élire parmi trente œuvres son film culte préféré. 

    La liste des trente films établie par le comité du festival : 

    Battle Royal - C'est Arrivé Près de Chez Vous -  Citizen Kane - Elephant Man - Festen - Fight Club - Forest Gump – Freaks - La cité de la peur - La Haine  - La Nuit des Morts Vivants - L'Aventure c'est l'Aventure - Le fabuleux destin d'Amélie Poulain - Le gendarme de St Tropez - Le Père Noël est une Ordure - Le Silence des Agneaux - Le voyage de Chihiro - Les Demoiselles de Rochefort - Les Galettes de Pont-Aven - Les Tontons Flingueurs - Massacre à la Tronçonneuse – Matrix - Old Boy - Projet Blair witch – Psychose - Pulp Fiction – Scarface - Tenacious D - The Big Lebowski - Usual suspect. ! Prix décernés dans le cadre de la rétrospective :

     Le  Prix du Film Culte Vintage du Public décerné par le vote des internautes  qui récompensera l’œuvre élue par les spectateurs comme étant la plus culte de la liste des trente films proposés. 

    Le Prix “Georges Marchais“, en hommage au plus grand acteur comique du vingtième siècle sera décerné par le Jury. 

    En parallèle des projections, le public pourra participer à plusieurs master-class et conférences sur le thème du culte, afin de rencontrer les réalisateurs, acteurs, producteurs et  distributeurs des films projetés.

     Deux expositions, de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé et du Studio Harcourt, ainsi qu’un concert de musique de films cultes, interprétés sur des instruments-jouets par le Quatuor Playmobil, viendront encadrer le Festival.

    Vous pourrez également suivre le festival sur twitter (@fifculte), sur instagram ( @festivaldufilmculte), et sur Facebook (https://www.facebook.com/FIFCT).

  • Le Festival International du Film Culte de Trouville-sur-Mer créé par Karl Zéro en juin 2016

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    Juste après le Festival du Film de Cabourg  qui aura lieu du 8 au 12 juin 2016 et qui célèbrera cette année ses 30 ans, presque trois mois avant le Festival du Cinéma Américain de Deauville et le Festival Off Courts de Trouville, voilà un nouveau festival sur la côte normande qui devrait ravir les cinéphiles et dont vous pouvez d'ores et déjà découvrir la magnifique affiche ci-dessus.

    La 1ère édition de ce Festival au concept original se déroulera ainsi du 16 au 19 juin prochain à Trouville-sur-mer.  Région culte s’il en est à l’écran (“Un singe en Hiver“, “Un homme et une femme“, etc…), le choix de Trouville-sur-Mer s’est imposé d’emblée.  ! Comme le souligne Karl Zéro, fondateur du Festival, « Un film devient culte lorsque le public le désigne comme tel. C’est pour cela que notre jury - qui sera constitué uniquement de personnalités… cultes -sera à l’image des spectateurs auxquels nous dédions ce Festival : des gens venus de tous les horizons, pas que des « professionnels de la profession ». Le culte, c’est le trait d’union entre le populaire et le visionnaire. Notre ambition est d’installer de façon pérenne ce nouveau rendez-vous pour permettre de mettre en lumière davantage de talents, d’audaces, de tons, d’univers dans autant de films sélectionnés parce qu’ils sont inattendus et originaux.»

    Pour sa 1ère édition, le Festival  décernera les prix  suivants :

    Dans le cadre de la Compétition, les prix seront attribués à des films   inédits :

      Le Grand Prix du Film Culte de l’Année 2016 qui auréolant une œuvre lui permettra de se distinguer avant même sa sortie en salles, afin de trouver ainsi plus sûrement son public. 

     Le Prix « Aldo Maccione » du Meilleur Réalisateur qui prouvera qu’il suffit parfois de faire un petit pas de côté - comme Aldo dans sa célèbre démarche - pour changer l’angle d’une histoire, et lui donner un relief particulièrement novateur.

    Ces deux films seront élus par le Jury parmi sept films inédits présentés dans le cadre de la Compétition, et présentés sur la scène du Festival par leurs réalisateurs/acteurs.

    Dans le cadre de la Rétrospective, le public peut voter sur le site internet  www.festivaldufilmculte.com ou sur la page Facebook «  Festival International du film Culte » pour élire parmi trente œuvres son film culte préféré. 

    La liste des trente films établie par le comité du festival : 

    Battle Royal - C'est Arrivé Près de Chez Vous -  Citizen Kane - Elephant Man - Festen - Fight Club - Forest Gump – Freaks - La cité de la peur - La Haine  - La Nuit des Morts Vivants - L'Aventure c'est l'Aventure - Le fabuleux destin d'Amélie Poulain - Le gendarme de St Tropez - Le Père Noël est une Ordure - Le Silence des Agneaux - Le voyage de Chihiro - Les Demoiselles de Rochefort - Les Galettes de Pont-Aven - Les Tontons Flingueurs - Massacre à la Tronçonneuse – Matrix - Old Boy - Projet Blair witch – Psychose - Pulp Fiction – Scarface - Tenacious D - The Big Lebowski - Usual suspect. ! Prix décernés dans le cadre de la rétrospective :

     Le  Prix du Film Culte Vintage du Public décerné par le vote des internautes  qui récompensera l’œuvre élue par les spectateurs comme étant la plus culte de la liste des trente films proposés. 

    Le Prix “Georges Marchais“, en hommage au plus grand acteur comique du vingtième siècle sera décerné par le Jury. 

    En parallèle des projections, le public pourra participer à plusieurs master-class et conférences sur le thème du culte, afin de rencontrer les réalisateurs, acteurs, producteurs et  distributeurs des films projetés.

     Deux expositions, de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé et du Studio Harcourt, ainsi qu’un concert de musique de films cultes, interprétés sur des instruments-jouets par le Quatuor Playmobil, viendront encadrer le Festival.

    Vous pourrez également suivre le festival sur twitter (@fifculte), sur instagram ( @festivaldufilmculte), et sur Facebook (https://www.facebook.com/FIFCT).

  • Critique de LA PISCINE de Jacques Deray

     

    La Piscine de Jacques Deray.jpg

    Plutôt que son remake "A bigger splash" sorti en salles cette semaine (mais comment peut-on oser réaliser un remake d'un tel chef-d'œuvre intemporel?), je vous conseille de revoir "La piscine" de Jacques Deray dont vous pourrez retrouver ma critique ci-dessous.

    A bigger splash.jpg

    Ce film date de 1968: c’est déjà tout un programme. Il réunit Maurice Ronet, Alain Delon, Romy Schneider, Jane Birkin dans un huis-clos sensuel et palpitant: ce quatuor est déjà une belle promesse.

    Marianne (Romy Schneider) et Jean-Paul (Alain Delon) passent en effet des vacances en amoureux dans la magnifique villa qui leur a été prêtée sur les hauteurs de Saint-Tropez. L’harmonie est rompue lorsqu’arrive Harry (Maurice Ronet), ami de Jean-Paul et de Marianne chez lequel ils se sont d’ailleurs rencontrés, cette dernière entretenant le trouble sur la nature de ses relations passées avec Harry. Il arrive accompagné de sa fille de 18 ans, la gracile et nonchalante Pénélope (Jane Birkin).

    « La piscine » fait partie de ces films que l’on peut revoir un nombre incalculable de fois (du moins que je peux revoir un nombre incalculable de fois) avec le même plaisir pour de nombreuses raisons mais surtout pour son caractère intelligemment elliptique et son exceptionnelle distribution et sa remarquable direction d’acteurs.

    Dès les premières secondes, la sensualité trouble et la beauté magnétique qui émane du couple formé par Romy Schneider et Alain Delon, la langueur que chaque plan exhale plonge le spectateur dans une atmosphère particulière, captivante. La tension monte avec l’arrivée d’Harry et de sa fille, menaces insidieuses dans le ciel imperturbablement bleu de Saint-Tropez. Le malaise est palpable entre Jean-Paul et Harry qui rabaisse sans cesse le premier, par une parole cinglante ou un geste méprisant, et qui s’impose comme si tout et tout le monde lui appartenait, comme si rien ni personne ne lui résistait.

    Pour tromper le langoureux ennui de l’été, un jeu périlleusement jubilatoire de désirs et de jalousies va alors commencer, entretenu par chacun des personnages, au péril du fragile équilibre de cet été en apparence si parfait et de leur propre fragile équilibre, surtout celui de Jean-Paul, interprété par Alain Delon qui, comme rarement, incarne un personnage vulnérable à la sensualité non moins troublante. L’ambiguïté est distillée par touches subtiles : un regard fuyant ou trop insistant, une posture enjôleuse, une main effleurée, une allusion assassine. Tout semble pouvoir basculer dans le drame d’un instant à l’autre. La menace plane. L’atmosphère devient de plus en plus suffocante.

    Dès le début tout tourne autour de la piscine : cette eau bleutée trompeusement limpide et cristalline autour de laquelle ils s’effleurent, se défient, s’ignorent, s’esquivent, se séduisent autour de laquelle la caméra virevolte, enserre, comme une menace constante, inéluctable, attirante et périlleuse comme les relations qui unissent ces 4 personnages. Harry alimente constamment la jalousie et la susceptibilité de Jean-Paul par son arrogance, par des allusions à sa relation passée avec Marianne que cette dernière a pourtant toujours niée devant Jean-Paul. Penelope va alors devenir l’instrument innocent de ce désir vengeur et ambigu puisqu’on ne sait jamais vraiment si Jean-Paul la désire réellement, s’il désire atteindre Harry par son biais, s’il désire attiser la jalousie de Marianne, probablement un peu tout à la fois, et probablement aussi se raccrochent-ils l’un à l’autre, victimes de l’arrogance, la misanthropie masquée et de la désinvolture de Harry. C’est d’ailleurs là que réside tout l’intérêt du film : tout insinuer et ne jamais rien proclamer, démontrer. Un dialogue en apparence anodin autour de la cuisine asiatique et de la cuisson du riz alors que Jean-Paul et Penelope reviennent d’un bain nocturne ne laissant guère planer de doutes sur la nature de ce bain, Penelope (dé)vêtue de la veste de Jean-Paul dans laquelle elle l’admirait de dos, enlaçant Marianne, quelques jours auparavant, est particulièrement symptomatique de cet aspect du film, cette façon d’insinuer, cette sensualité trouble et troublante, ce jeu qui les dépasse. Cette scène entremêle savoureusement désirs et haines latents. Les regards de chacun : respectivement frondeurs, évasifs, provocants, dignes, déroutés… font que l’attention du spectateur est suspendue à chaque geste, chaque ton, chaque froncement de sourcils, accroissant l’impression de malaise et de fatalité inévitable.

    Aucun des 4 personnages n’est délaissé, la richesse de leurs psychologies, de la direction d’acteurs font que chacune de leurs notes est indispensable à la partition. La musique discrète et subtile de Michel Legrand renforce encore cette atmosphère trouble. Chacun des 4 acteurs est parfait dans son rôle : Delon dans celui de l’amoureux jaloux, fragile, hanté par de vieux démons, d’une sensualité à fleur de peau, mal dans sa peau même, Romy Schneider dans celui de la femme sublime séductrice dévouée, forte, provocante et maternelle, Jane Birkin dont c’est le premier film français dans celui de la fausse ingénue et Maurice Ronet dans celui de l’ « ami » séduisant et détestable, transpirant de suffisance et d’arrogance…et la piscine, incandescente à souhait, véritable « acteur ». Je ne vous en dirai pas plus pour ne pas lever le voile sur les mystères qui entourent ce film et son dénouement.

    Deray retrouvera ensuite Delon à 8 reprises notamment dans « Borsalino », « Flic story », « Trois hommes à abattre »… mais « La piscine » reste un film à part dans la carrière du réalisateur qui mettra en scène surtout un cinéma de genre.

    Neuf ans après « Plein soleil » de René Clément (que je vous recommande également), la piscine réunit donc de nouveau Ronet et Delon, les similitudes entres les personnages de ces deux films sont d’ailleurs nombreuses et le duel fonctionne de nouveau à merveille.

    Un chef-d’œuvre dont le « Swimming pool » de François Ozon apparaissait comme une copie détournée, certes réussie mais moins que l’original, aucun cinéaste n’ayant réussi à susciter la même incandescence trouble.

    Un film sensuel porté par des acteurs magistraux, aussi fascinants que cette eau bleutée fatale, un film qui se termine par une des plus belles preuves d’amour que le cinéma ait inventé. A voir et à revoir. Plongez dans les eaux troubles de cette « piscine » sans attendre une seconde …à vos risques et périls.

  • Critique de LA PISCINE de Jacques Deray

     

    La Piscine de Jacques Deray.jpg

    Plutôt que son remake "A bigger splash" sorti en salles cette semaine (mais comment peut-on oser réaliser un remake d'un tel chef-d'œuvre intemporel?), je vous conseille de revoir "La piscine" de Jacques Deray dont vous pourrez retrouver ma critique ci-dessous.

    A bigger splash.jpg

    Ce film date de 1968: c’est déjà tout un programme. Il réunit Maurice Ronet, Alain Delon, Romy Schneider, Jane Birkin dans un huis-clos sensuel et palpitant: ce quatuor est déjà une belle promesse.

    Marianne (Romy Schneider) et Jean-Paul (Alain Delon) passent en effet des vacances en amoureux dans la magnifique villa qui leur a été prêtée sur les hauteurs de Saint-Tropez. L’harmonie est rompue lorsqu’arrive Harry (Maurice Ronet), ami de Jean-Paul et de Marianne chez lequel ils se sont d’ailleurs rencontrés, cette dernière entretenant le trouble sur la nature de ses relations passées avec Harry. Il arrive accompagné de sa fille de 18 ans, la gracile et nonchalante Pénélope (Jane Birkin).

    « La piscine » fait partie de ces films que l’on peut revoir un nombre incalculable de fois (du moins que je peux revoir un nombre incalculable de fois) avec le même plaisir pour de nombreuses raisons mais surtout pour son caractère intelligemment elliptique et son exceptionnelle distribution et sa remarquable direction d’acteurs.

    Dès les premières secondes, la sensualité trouble et la beauté magnétique qui émane du couple formé par Romy Schneider et Alain Delon, la langueur que chaque plan exhale plonge le spectateur dans une atmosphère particulière, captivante. La tension monte avec l’arrivée d’Harry et de sa fille, menaces insidieuses dans le ciel imperturbablement bleu de Saint-Tropez. Le malaise est palpable entre Jean-Paul et Harry qui rabaisse sans cesse le premier, par une parole cinglante ou un geste méprisant, et qui s’impose comme si tout et tout le monde lui appartenait, comme si rien ni personne ne lui résistait.

    Pour tromper le langoureux ennui de l’été, un jeu périlleusement jubilatoire de désirs et de jalousies va alors commencer, entretenu par chacun des personnages, au péril du fragile équilibre de cet été en apparence si parfait et de leur propre fragile équilibre, surtout celui de Jean-Paul, interprété par Alain Delon qui, comme rarement, incarne un personnage vulnérable à la sensualité non moins troublante. L’ambiguïté est distillée par touches subtiles : un regard fuyant ou trop insistant, une posture enjôleuse, une main effleurée, une allusion assassine. Tout semble pouvoir basculer dans le drame d’un instant à l’autre. La menace plane. L’atmosphère devient de plus en plus suffocante.

    Dès le début tout tourne autour de la piscine : cette eau bleutée trompeusement limpide et cristalline autour de laquelle ils s’effleurent, se défient, s’ignorent, s’esquivent, se séduisent autour de laquelle la caméra virevolte, enserre, comme une menace constante, inéluctable, attirante et périlleuse comme les relations qui unissent ces 4 personnages. Harry alimente constamment la jalousie et la susceptibilité de Jean-Paul par son arrogance, par des allusions à sa relation passée avec Marianne que cette dernière a pourtant toujours niée devant Jean-Paul. Penelope va alors devenir l’instrument innocent de ce désir vengeur et ambigu puisqu’on ne sait jamais vraiment si Jean-Paul la désire réellement, s’il désire atteindre Harry par son biais, s’il désire attiser la jalousie de Marianne, probablement un peu tout à la fois, et probablement aussi se raccrochent-ils l’un à l’autre, victimes de l’arrogance, la misanthropie masquée et de la désinvolture de Harry. C’est d’ailleurs là que réside tout l’intérêt du film : tout insinuer et ne jamais rien proclamer, démontrer. Un dialogue en apparence anodin autour de la cuisine asiatique et de la cuisson du riz alors que Jean-Paul et Penelope reviennent d’un bain nocturne ne laissant guère planer de doutes sur la nature de ce bain, Penelope (dé)vêtue de la veste de Jean-Paul dans laquelle elle l’admirait de dos, enlaçant Marianne, quelques jours auparavant, est particulièrement symptomatique de cet aspect du film, cette façon d’insinuer, cette sensualité trouble et troublante, ce jeu qui les dépasse. Cette scène entremêle savoureusement désirs et haines latents. Les regards de chacun : respectivement frondeurs, évasifs, provocants, dignes, déroutés… font que l’attention du spectateur est suspendue à chaque geste, chaque ton, chaque froncement de sourcils, accroissant l’impression de malaise et de fatalité inévitable.

    Aucun des 4 personnages n’est délaissé, la richesse de leurs psychologies, de la direction d’acteurs font que chacune de leurs notes est indispensable à la partition. La musique discrète et subtile de Michel Legrand renforce encore cette atmosphère trouble. Chacun des 4 acteurs est parfait dans son rôle : Delon dans celui de l’amoureux jaloux, fragile, hanté par de vieux démons, d’une sensualité à fleur de peau, mal dans sa peau même, Romy Schneider dans celui de la femme sublime séductrice dévouée, forte, provocante et maternelle, Jane Birkin dont c’est le premier film français dans celui de la fausse ingénue et Maurice Ronet dans celui de l’ « ami » séduisant et détestable, transpirant de suffisance et d’arrogance…et la piscine, incandescente à souhait, véritable « acteur ». Je ne vous en dirai pas plus pour ne pas lever le voile sur les mystères qui entourent ce film et son dénouement.

    Deray retrouvera ensuite Delon à 8 reprises notamment dans « Borsalino », « Flic story », « Trois hommes à abattre »… mais « La piscine » reste un film à part dans la carrière du réalisateur qui mettra en scène surtout un cinéma de genre.

    Neuf ans après « Plein soleil » de René Clément (que je vous recommande également), la piscine réunit donc de nouveau Ronet et Delon, les similitudes entres les personnages de ces deux films sont d’ailleurs nombreuses et le duel fonctionne de nouveau à merveille.

    Un chef-d’œuvre dont le « Swimming pool » de François Ozon apparaissait comme une copie détournée, certes réussie mais moins que l’original, aucun cinéaste n’ayant réussi à susciter la même incandescence trouble.

    Un film sensuel porté par des acteurs magistraux, aussi fascinants que cette eau bleutée fatale, un film qui se termine par une des plus belles preuves d’amour que le cinéma ait inventé. A voir et à revoir. Plongez dans les eaux troubles de cette « piscine » sans attendre une seconde …à vos risques et périls.

  • LE JOUR SE LEVE de Marcel Carné à 20H45 sur Ciné + Classic

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    Le jour se lève : la fin d’une « grande illusion »

    Le jour se lève  marqua indéniablement les esprits surtout par sa construction singulière qui, a posteriori, en fait une œuvre particulièrement clairvoyante et un constat désespéré sur son époque.
     
    Le constat désespéré de la fin d’un monde
     
    A la recherche d’un scénario qui pourrait reformer le trio qu’il formait avec Gabin et Prévert, Carné est enthousiasmé par un synopsis de Jacques Viot et surtout par le procédé de narration que celui-ci a l’intention d’utiliser et qui comprend trois longs retours en arrière et une structure dramatique respectant la règle des trois unités. Il trouvait en revanche que l’histoire était assez inconsistante.  
     
    C'est ainsi l'histoire de François (Jean Gabin) assassin de son rival Valentin (Jules Berry), un ignoble dresseur de chiens. François est assiégé dans sa chambre par la police et il revoit en une nuit les circonstances qui l‘ont conduit au crime. François est un ouvrier sableur, enfant de l’Assistance publique qui s’éprend d’abord de Françoise (Jacqueline Laurent), une petite fleuriste, elle aussi de l’Assistance. Il apprend ensuite que Valentin a sans doute été l’amant de Françoise, celui-ci se vantant de l’avoir séduite pour se venger de François. Il rencontre Clara (Arletty), l’ancienne et sulfureuse maîtresse de Valentin dont il tombe également amoureux et que celle-ci préfère à Valentin. François remonte son réveil pour aller travailler. Valentin vient le provoquer chez lui. Le réveil ne sonnera plus l’heure du travail mais l’heure de la mort comme il aurait pu sonner l’heure inéluctable de la guerre.  Le film est sorti le 17 juin 1939, c’est-à-dire quelques semaines seulement avant la guerre.
     
    Le désenchantement du film semblait anticiper sur la déception amère qui submergea la France à la veille du second cataclysme mondial. Comme le destin tragique des personnages scellé par l’armoire mais aussi scellé par le compte à rebours du réveil, le destin tragique de la France semble être scellé. La fin du film en devient donc d’autant plus symbolique : les policiers donnent l’assaut contre François et laissent un espace vide que parcourt un aveugle qui hurle, ne comprenant pas ce qui se passe. L’euphorie du Front Populaire est chassée par la guerre comme les ouvriers par la police, et la succession et le contraste de ces deux évènements diamétralement opposés sont si soudains que le spectateur de l’époque ne comprend pas non plus ce qui se passe. L’innocent est condamné au suicide. Il n’y a plus d’espoir. Il n’y a plus d’avenir.
     
    D’ailleurs avant même le générique tout espoir est banni : « Un homme a tué … , enfermé ,assiégé dans une chambre. Il évoque les circonstances ,qui ont fait de lui un meurtrier. » François n’a plus d’espoir. La France n’a plus d’espoir. Le prénom du personnage même semble insister sur la métaphore du désespoir connu alors par l’Etat qui voit la guerre comme un avenir inévitable. Dans cette optique les dialogues prennent alors une étrange résonance. Ainsi lorsqu’un gendarme répond à une voisine inquiète « Mais vous ne courez aucun danger madame » et qu’on lui répond « On dit ça, on dit ça », on songe autant à la situation inquiétante de la France qu’à celle de François. D’autres répliques font ainsi écho à celle-ci : « On dirait que tout le monde est mort », « vous êtes nerveux parce que vous êtes inquiet et vous êtes inquiet parce qu’il y a des choses qui vous échappent. » Son destin échappe à François comme le destin de la France lui échappe et il s’évanouit dans un dernier cri de désespoir : « François, mais qu’est-ce qu’il a François, y a plus de François, il est mort François. » Cette menace semble être davantage encore mise en exergue par des répliques qui rappellent les idéaux du Front Populaire si proche et pourtant si lointain comme « Le travail c’est la liberté puis c’est la santé. » ou encore les paroles d’Arletty : « la liberté, c’est pas rien. »
     
    Ces idéaux sont encore symbolisés par la solidarité dont les amis de François font preuve à son égard. Cette dichotomie entre une France encore marquée par cette euphorie mais néanmoins consciente du danger qui la menace pourrait se résumer dans cette réplique de Françoise à propos de l’ours en peluche qu’elle compare à François : « vous voyez il est comme vous, il a un œil gai et l’autre qui est un petit peu triste », comme la France partagée entre les réminiscences de la gaieté de 1936 et la tristesse suscitée par le danger imminent.
     
    Une innovation formelle : une homologie esthétique entre la forme et le fond
     
    Ainsi, pour Mitry, la raison de la réussite du film n’en tient pas essentiellement à l’histoire, ni à l’interprétation mais à ce que « le scénario , entièrement bâti sur un retour en arrière construit une structure narrative parfaitement adéquate à son contenu. Le flash back n’est plus un flash back plus ou moins judicieusement utilisé pour faire avancer l’histoire mais il devient la figure de style en quoi une homologie esthétique s’instaure entre la forme et le fond , ce à quoi fort peu de films sont parvenus (Citizen Kane de Welles , Vivre de Kurosawa , 8 ½ de Fellini, Providence de Resnais). »
     
    Sans sa construction singulière le film aurait en effet peut-être été noyé dans le flot de ceux du réalisme poétique mais sa construction, son scénario original de Jacques Viot, l’adaptation et les dialogues de Prévert, en ont fait pour beaucoup « le chef d’œuvre du réalisme poétique. » C’est donc la première fois en France qu’on construit entièrement une histoire sur le principe du retour en arrière même si le procédé n’était pas entièrement nouveau puisque Renoir l’avait aussi utilisé dans Le crime de Monsieur Lange, le cinéma muet utilisant également quelques incursions dans le passé de ses personnages. Il apparaît néanmoins ici comme novateur. Ce procédé a bien sûr été immortalisé par un mythique film américain, en 1941 : Citizen Kane d’Orson Welles. Ce procédé paraissait alors tellement novateur, que le distributeur, craignant une réaction négative du public, par mesure de précaution, avait fait précéder le générique du Jour se lève d’un « carton »destiné à expliquer à un public supposé trop ingénu le fonctionnement du « retour en arrière » même si ce procédé avait déjà été utilisé dans un film américain : The power and the glory écrit par Preston Sturges et réalisé par William K.Howard en 1933.
     
    Cette innovation du flash back et de ce film qui se déroule donc en une nuit, du meurtre à l’assaut de la police n’est pas la seule contenue dans Le jour se lève. Il était également audacieux de montrer un ouvrier sur les lieux de son travail, en l’occurrence François dans l’exercice de sa profession de sableur, ce qui était jusqu’alors considéré comme ennuyeux et donc susceptible de lasser le public. Des ouvriers ont donc été mis en scène et ne l’ont été auparavant que dans dans Toni(1934) et La vie est à nous (1936), encore invisible. Il sera ainsi qualifié de « huis clos prolétarien ». Rarement en effet le cadre de vie de la population ouvrière aura été décrite avec autant de précision, le travail de François n’étant pas un simple cadre mais aussi au centre de certains dialogues, celui-ci évoquant : « le chômage...ou bien le boulot. Ah ! J’ai fait des boulots, jamais les mêmes, toujours pareils…La peinture, le pistolet…ou bien le minium…Pas bon non plus le minium…le sable…et la fatigue…la lassitude ».
     
    Si les décors paraissent au premier abord réalistes, une observation plus minutieuse permet de constater qu’ils ne sont pas dénués d’expressionnisme à l’exemple de l’immeuble de François démesurément vertical et situé à côté d’un réverbère presque aussi haut que lui. Trauner, le décorateur, avait ainsi insisté pour que le personnage soit isolé, loin et très haut et donc pour que l’immeuble fasse cinq étages et que François soit en haut de celui-ci. Le producteur menace de se suicider quand Carné annonce que cet immeuble fera cinq étages et sera construit aux studios de Joinville mais le réalisateur finira par obtenir gain de cause.
     
    Le remake américain de Litvak de 1947 prouve d’ailleurs à quel point fut judicieux. Le protagoniste s’y trouve en effet au deuxième étage, ce qui fait perdre toute sa force à ces scènes. Malgré toutes les précautions du distributeur le film fut jugé déconcertant par le public, pourtant il fut reconnu tout de suite comme un chef-d'œuvre dont l’envoûtement résulte d’un ensemble : les leitmotiv musicaux de Maurice Jaubert  qui accompagnent les lents fondus enchaînés, la lumière de Curt Courant et le décor de Trauneur alliés aux dialogues de Prévert et au jeu contrasté de Gabin qui murmure différemment avec Françoise ou Clara et qui crie face au cynisme de Berry.
     
    Pour Bazin, ainsi on « y éprouve le sentiment d’un parfait équilibre, d’une forme d’expression idéale : la plénitude d’un art classique » . Le jour se lève étant considéré comme le chef d’œuvre du réalisme poétique, on lui imputera donc les défauts ultérieurement reprochés à ce mouvement, le trouvant trop « fabriqué » ou même que le symbolisme était « de pacotille » et la mise en scène « rudimentaire ». Le réveil qui sonne au dénouement du film pour appeler l’ouvrier mort au travail est peut-être jugé « de pacotille » mais le pessimisme du film et justement ce symbolisme témoignent de l’état d’esprit de l’époque avec une étonnante lucidité. Il est vrai que dans ce film rien ne semble laissé au hasard. Tous les objets ont leur signification et constituent même des personnages du film concourant à cette impression que le dénouement tragique est inéluctable. L’ours en peluche, la broche, les photos, les boyaux de vélo, tout va prendre peu à peu une signification.
     
    Ainsi, Bazin en a fait une analyse détaillée lui permettant de dresser un véritable portrait anthropomorphique de François et en démontre l’utilisation dramatique et le rôle symbolique en fonction du caractère du personnage de François, le fait qu’il prenne par exemple bien soin de faire tomber dans le cendrier la cendre de cigarette qui macule le tapis de la chambre : « Tant de propreté et d’ordre un peu maniaque révèle le côté soigneux et un peu vieux garçon d’un personnage et frappe le public comme un trait de mœurs ». L’armoire joue alors un rôle central :« Cette armoire normande que Gabin pousse devant la porte et qui donne lieu à un savoureux dialogue dans la cage d’escalier entre le commissaire et le concierge(…).Ce n’est pas la commode ,la table ou le lit que Gabin pouvait mettre devant la porte .Il fallait que ce fut une lourde armoire normande qu’il pousse comme une énorme dalle sur un tombeau .Les gestes avec lesquels il fait glisser l’armoire , la forme même du meuble font que Gabin ne se barricade pas dans sa chambre :il s’y mure. »
     
    Un chef-d'œuvre à voir et revoir sans modération!
  • LE JOUR SE LEVE de Marcel Carné à 20H45 sur Ciné + Classic

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    Le jour se lève : la fin d’une « grande illusion »

    Le jour se lève  marqua indéniablement les esprits surtout par sa construction singulière qui, a posteriori, en fait une œuvre particulièrement clairvoyante et un constat désespéré sur son époque.
     
    Le constat désespéré de la fin d’un monde
     
    A la recherche d’un scénario qui pourrait reformer le trio qu’il formait avec Gabin et Prévert, Carné est enthousiasmé par un synopsis de Jacques Viot et surtout par le procédé de narration que celui-ci a l’intention d’utiliser et qui comprend trois longs retours en arrière et une structure dramatique respectant la règle des trois unités. Il trouvait en revanche que l’histoire était assez inconsistante.  
     
    C'est ainsi l'histoire de François (Jean Gabin) assassin de son rival Valentin (Jules Berry), un ignoble dresseur de chiens. François est assiégé dans sa chambre par la police et il revoit en une nuit les circonstances qui l‘ont conduit au crime. François est un ouvrier sableur, enfant de l’Assistance publique qui s’éprend d’abord de Françoise (Jacqueline Laurent), une petite fleuriste, elle aussi de l’Assistance. Il apprend ensuite que Valentin a sans doute été l’amant de Françoise, celui-ci se vantant de l’avoir séduite pour se venger de François. Il rencontre Clara (Arletty), l’ancienne et sulfureuse maîtresse de Valentin dont il tombe également amoureux et que celle-ci préfère à Valentin. François remonte son réveil pour aller travailler. Valentin vient le provoquer chez lui. Le réveil ne sonnera plus l’heure du travail mais l’heure de la mort comme il aurait pu sonner l’heure inéluctable de la guerre.  Le film est sorti le 17 juin 1939, c’est-à-dire quelques semaines seulement avant la guerre.
     
    Le désenchantement du film semblait anticiper sur la déception amère qui submergea la France à la veille du second cataclysme mondial. Comme le destin tragique des personnages scellé par l’armoire mais aussi scellé par le compte à rebours du réveil, le destin tragique de la France semble être scellé. La fin du film en devient donc d’autant plus symbolique : les policiers donnent l’assaut contre François et laissent un espace vide que parcourt un aveugle qui hurle, ne comprenant pas ce qui se passe. L’euphorie du Front Populaire est chassée par la guerre comme les ouvriers par la police, et la succession et le contraste de ces deux évènements diamétralement opposés sont si soudains que le spectateur de l’époque ne comprend pas non plus ce qui se passe. L’innocent est condamné au suicide. Il n’y a plus d’espoir. Il n’y a plus d’avenir.
     
    D’ailleurs avant même le générique tout espoir est banni : « Un homme a tué … , enfermé ,assiégé dans une chambre. Il évoque les circonstances ,qui ont fait de lui un meurtrier. » François n’a plus d’espoir. La France n’a plus d’espoir. Le prénom du personnage même semble insister sur la métaphore du désespoir connu alors par l’Etat qui voit la guerre comme un avenir inévitable. Dans cette optique les dialogues prennent alors une étrange résonance. Ainsi lorsqu’un gendarme répond à une voisine inquiète « Mais vous ne courez aucun danger madame » et qu’on lui répond « On dit ça, on dit ça », on songe autant à la situation inquiétante de la France qu’à celle de François. D’autres répliques font ainsi écho à celle-ci : « On dirait que tout le monde est mort », « vous êtes nerveux parce que vous êtes inquiet et vous êtes inquiet parce qu’il y a des choses qui vous échappent. » Son destin échappe à François comme le destin de la France lui échappe et il s’évanouit dans un dernier cri de désespoir : « François, mais qu’est-ce qu’il a François, y a plus de François, il est mort François. » Cette menace semble être davantage encore mise en exergue par des répliques qui rappellent les idéaux du Front Populaire si proche et pourtant si lointain comme « Le travail c’est la liberté puis c’est la santé. » ou encore les paroles d’Arletty : « la liberté, c’est pas rien. »
     
    Ces idéaux sont encore symbolisés par la solidarité dont les amis de François font preuve à son égard. Cette dichotomie entre une France encore marquée par cette euphorie mais néanmoins consciente du danger qui la menace pourrait se résumer dans cette réplique de Françoise à propos de l’ours en peluche qu’elle compare à François : « vous voyez il est comme vous, il a un œil gai et l’autre qui est un petit peu triste », comme la France partagée entre les réminiscences de la gaieté de 1936 et la tristesse suscitée par le danger imminent.
     
    Une innovation formelle : une homologie esthétique entre la forme et le fond
     
    Ainsi, pour Mitry, la raison de la réussite du film n’en tient pas essentiellement à l’histoire, ni à l’interprétation mais à ce que « le scénario , entièrement bâti sur un retour en arrière construit une structure narrative parfaitement adéquate à son contenu. Le flash back n’est plus un flash back plus ou moins judicieusement utilisé pour faire avancer l’histoire mais il devient la figure de style en quoi une homologie esthétique s’instaure entre la forme et le fond , ce à quoi fort peu de films sont parvenus (Citizen Kane de Welles , Vivre de Kurosawa , 8 ½ de Fellini, Providence de Resnais). »
     
    Sans sa construction singulière le film aurait en effet peut-être été noyé dans le flot de ceux du réalisme poétique mais sa construction, son scénario original de Jacques Viot, l’adaptation et les dialogues de Prévert, en ont fait pour beaucoup « le chef d’œuvre du réalisme poétique. » C’est donc la première fois en France qu’on construit entièrement une histoire sur le principe du retour en arrière même si le procédé n’était pas entièrement nouveau puisque Renoir l’avait aussi utilisé dans Le crime de Monsieur Lange, le cinéma muet utilisant également quelques incursions dans le passé de ses personnages. Il apparaît néanmoins ici comme novateur. Ce procédé a bien sûr été immortalisé par un mythique film américain, en 1941 : Citizen Kane d’Orson Welles. Ce procédé paraissait alors tellement novateur, que le distributeur, craignant une réaction négative du public, par mesure de précaution, avait fait précéder le générique du Jour se lève d’un « carton »destiné à expliquer à un public supposé trop ingénu le fonctionnement du « retour en arrière » même si ce procédé avait déjà été utilisé dans un film américain : The power and the glory écrit par Preston Sturges et réalisé par William K.Howard en 1933.
     
    Cette innovation du flash back et de ce film qui se déroule donc en une nuit, du meurtre à l’assaut de la police n’est pas la seule contenue dans Le jour se lève. Il était également audacieux de montrer un ouvrier sur les lieux de son travail, en l’occurrence François dans l’exercice de sa profession de sableur, ce qui était jusqu’alors considéré comme ennuyeux et donc susceptible de lasser le public. Des ouvriers ont donc été mis en scène et ne l’ont été auparavant que dans dans Toni(1934) et La vie est à nous (1936), encore invisible. Il sera ainsi qualifié de « huis clos prolétarien ». Rarement en effet le cadre de vie de la population ouvrière aura été décrite avec autant de précision, le travail de François n’étant pas un simple cadre mais aussi au centre de certains dialogues, celui-ci évoquant : « le chômage...ou bien le boulot. Ah ! J’ai fait des boulots, jamais les mêmes, toujours pareils…La peinture, le pistolet…ou bien le minium…Pas bon non plus le minium…le sable…et la fatigue…la lassitude ».
     
    Si les décors paraissent au premier abord réalistes, une observation plus minutieuse permet de constater qu’ils ne sont pas dénués d’expressionnisme à l’exemple de l’immeuble de François démesurément vertical et situé à côté d’un réverbère presque aussi haut que lui. Trauner, le décorateur, avait ainsi insisté pour que le personnage soit isolé, loin et très haut et donc pour que l’immeuble fasse cinq étages et que François soit en haut de celui-ci. Le producteur menace de se suicider quand Carné annonce que cet immeuble fera cinq étages et sera construit aux studios de Joinville mais le réalisateur finira par obtenir gain de cause.
     
    Le remake américain de Litvak de 1947 prouve d’ailleurs à quel point fut judicieux. Le protagoniste s’y trouve en effet au deuxième étage, ce qui fait perdre toute sa force à ces scènes. Malgré toutes les précautions du distributeur le film fut jugé déconcertant par le public, pourtant il fut reconnu tout de suite comme un chef-d'œuvre dont l’envoûtement résulte d’un ensemble : les leitmotiv musicaux de Maurice Jaubert  qui accompagnent les lents fondus enchaînés, la lumière de Curt Courant et le décor de Trauneur alliés aux dialogues de Prévert et au jeu contrasté de Gabin qui murmure différemment avec Françoise ou Clara et qui crie face au cynisme de Berry.
     
    Pour Bazin, ainsi on « y éprouve le sentiment d’un parfait équilibre, d’une forme d’expression idéale : la plénitude d’un art classique » . Le jour se lève étant considéré comme le chef d’œuvre du réalisme poétique, on lui imputera donc les défauts ultérieurement reprochés à ce mouvement, le trouvant trop « fabriqué » ou même que le symbolisme était « de pacotille » et la mise en scène « rudimentaire ». Le réveil qui sonne au dénouement du film pour appeler l’ouvrier mort au travail est peut-être jugé « de pacotille » mais le pessimisme du film et justement ce symbolisme témoignent de l’état d’esprit de l’époque avec une étonnante lucidité. Il est vrai que dans ce film rien ne semble laissé au hasard. Tous les objets ont leur signification et constituent même des personnages du film concourant à cette impression que le dénouement tragique est inéluctable. L’ours en peluche, la broche, les photos, les boyaux de vélo, tout va prendre peu à peu une signification.
     
    Ainsi, Bazin en a fait une analyse détaillée lui permettant de dresser un véritable portrait anthropomorphique de François et en démontre l’utilisation dramatique et le rôle symbolique en fonction du caractère du personnage de François, le fait qu’il prenne par exemple bien soin de faire tomber dans le cendrier la cendre de cigarette qui macule le tapis de la chambre : « Tant de propreté et d’ordre un peu maniaque révèle le côté soigneux et un peu vieux garçon d’un personnage et frappe le public comme un trait de mœurs ». L’armoire joue alors un rôle central :« Cette armoire normande que Gabin pousse devant la porte et qui donne lieu à un savoureux dialogue dans la cage d’escalier entre le commissaire et le concierge(…).Ce n’est pas la commode ,la table ou le lit que Gabin pouvait mettre devant la porte .Il fallait que ce fut une lourde armoire normande qu’il pousse comme une énorme dalle sur un tombeau .Les gestes avec lesquels il fait glisser l’armoire , la forme même du meuble font que Gabin ne se barricade pas dans sa chambre :il s’y mure. »
     
    Un chef-d'œuvre à voir et revoir sans modération!
  • Critique - AUSTRALIA de Baz Luhrmann à 20H45 sur Ciné + Emotion

     

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    L’histoire se déroule à la fin des années 30. Lady Sarah Ashley, une aristocrate anglaise hautaine, capricieuse et arrogante (Nicole Kidman) -qui ressemble à s’y méprendre à Meryl Streep lorsqu’elle arrive au Kenya dans « Out of Africa »- arrive au cœur des paysages sauvages de l’Australie pour rejoindre son mari qu’elle soupçonne d’adultère, lequel tente, en vain, de vendre l’immense domaine qu’ils possèdent sur place : Faraway Dones. Elle ne tarde pas à découvrir que l’exploitation est au bord de la ruine et menacée par son propre contremaître, Neil Fletcher (David Wenham). Pour sauver le domaine, Sarah n’a d’autre choix que de s’allier à un cow-boy local, plutôt rustre, connu sous le nom de « Drover » (Hugh Jackman), et de parcourir avec lui des milliers de kilomètres à travers les terres aussi magnifiques qu’inhospitalières du pays afin de mener jusqu’à Darwin 1500 têtes de bétail.

    L’histoire nous est contée en voix off par un enfant aborigène  à travers le regard duquel, enfantin et naïf, nous voyons toute l’histoire mais ce qui marque d’abord ce n’est pas cette voix enfantine, ce sont ces paysages à couper le souffle, ces images flamboyantes, cette photographie majestueuse et ces amples panoramiques et divers mouvements de caméra qui nous embarquent avec eux dans cette Australie rude et somptueuse, inhospitalière et enchanteresse. C’est un fascinant et éblouissant tourbillon pour nos yeux davantage aguerris à un cinéma de plus en plus et essentiellement réaliste.

    Le film porte bien son nom : c’est un véritable spot publicitaire pour l’office de tourisme australien sans compter que les deux acteurs principaux et le réalisateur sont, eux aussi, australiens. C’est pourtant au cinéma de l’âge d’or hollywoodien que Baz Luhrmann fait ouvertement référence, notamment à « Autant en emporte le vent » mais aussi à des films plus récents comme « Out of Africa » de Sydney Pollack. Les points communs et les références ne manquent pas : des caractères des personnages (Lady Sarah Ashley ressemble beaucoup, dans ses traits de caractère, à l’impétueuse Scarlett d’ « Autant en emporte le vent » et le viril, sauvage et romantique « Drover » à Rhett Buttler), à l’attachement à la terre, au discours sur l’émancipation de populations opprimées, en passant par les paysages grandioses, les scènes à grand spectacle (l’incendie de Darwin rappelant ainsi celui d’Atlanta), le mélange d’aventure et de drame.

    Le projet est donc particulièrement ambitieux et cela fonctionne parfaitement dans la première partie. On se laisse d’abord emporter avec bonheur par cette aventure exotique, rafraichissante, délicieusement naïve, empreinte de magie aborigène. Les personnages sont certes stéréotypés mais Baz Luhrmann, joue de ces stéréotypes (notamment lors d’une scène avec Hugh Jackman au ralenti que je vous laisse découvrir), anticipant et désamorçant les ricanements et les reproches qui pourraient lui être adressés, et gagnant ainsi notre complicité. Ni lui ni nous ne sommes dupes.

    Ce film qui voulait s’inscrire dans la lignée des « Lawrence d’Arabie », « Ben Hur » et autres « Titanic » avait donc a priori tout pour me plaire, et c’était d’ailleurs très bien parti, malheureusement il lui manque ce petit supplément d’âme ensorcelant dont l’absence résulte d’abord essentiellement de la facilité avec laquelle le couple de protagonistes franchit les obstacles, à commencer par ceux qui les séparent, et du trop grand nombre d’ellipses (malgré la durée du film). Leurs personnages évoluent, et même changent radicalement, si soudainement que nous avons du mal à y croire et à croire à leur histoire d’amour. Lady Sarah Ashley est aussi capricieuse, arrogante, égoïste, matérialiste, superficielle (rappelant Katharine Hepburn au début d’ «  African Queen ») qu’elle devient altruiste, compréhensive, désintéressée et généreuse. Son personnage évolue ( elle est transformée par la beauté dévastatrice des paysages mais aussi par sa rencontre avec le petit orphelin aborigène) et c’est tant mieux mais d’une manière si radicale que nous avons peine à y croire. Sans compter que le méchant est trop méchant pour être crédible mais en même temps…en même temps c’est aussi ce qui contribue au charme de ce film et j’ai alors rappelé à la rescousse mon regard d’enfant, toujours prompte à se rallumer, pour voir ce film différemment : comme un conte de noël. D’ailleurs, il nous parle de magie, de magie aborigène mais aussi du magicien d’Oz (du même Victor Fleming qu’ « Autant en emporte le vent »). D’ailleurs il sort un 24 décembre. D’ailleurs il est tout public. D’ailleurs c’est aussi une leçon de géographie et d’Histoire. D’Histoire parce que nous apprenons beaucoup, d’abord sur la société ségrégationniste de l’Australie des années 30 et 40 qui interdisait les mariages entre blancs et aborigènes et dont les enfants n’avaient le droit de vivre ni parmi les blancs ni parmi leurs familles aborigènes. Ces enfants étaient alors placés dans des institutions d’Etat ou des missions religieuses et furent appelés les Générations Volées. Mais nous apprenons aussi que la ville de Darwin dut faire face aux bombardements japonais. En effet, en février 1942, les avions de guerre japonais, la flotte même qui avait attaqué Pearl Harbour, a attaqué Darwin, tuant 243 personnes et détruisant presque toute la ville.

    Alors évidemment, la fin à multiples rebondissements totalement improbables et  évidemment heureux  (si bien qu’un grand nombre de journalistes a quitté la salle au premier d’entre eux, croyant la projection terminée…ou estimant en avoir assez vu) s’inscrit dans cette lignée de conte qui,  certes, avec des regards d’adultes, paraît exagérément mélodramatique et prévisible. C’est sans doute ce qui rend aussi « Autant en emporte le vent », « Out of Africa » ou même « Titanic » crédibles et touchants : leurs fins ouvertes et/ou dramatiques. Mais, après tout, ce ne sont pas des contes de noël…

    On peut aussi regretter que Baz Luhrmann n’ait pas fait preuve ici de la même fantaisie et de la même excentricité que celles dont il avait fait preuve dans « Moulin Rouge » qui lui avait valu 8 nominations aux Oscar. Il en avait d’ailleurs remporté deux. Son épouse Catherine Martin avait en effet été oscarisée pour les décors et les costumes dont elle est aussi la créatrice dans « Australia » et pour lesquels elle mérite sans nul doute d’être à nouveau récompensée.

    Au final un film flamboyant (au budget, tout de même, de 130 millions de dollars, plus gros budget alloué à un film australien) qui a le mérite d’être particulièrement ambitieux, de mêler les genres (peut-être trop : à la fois comédie au début, film d’aventure, fresque romanesque, drame, western, comédie romantique, conte…), de nous faire découvrir l’Australie dont il exalte brillamment la magnificence et l’immensité vertigineuse des décors, une fresque grandiloquente et excessive, parfois mièvre et sirupeuse aux acteurs, aux paysages et à l’histoire trop beaux, lisses et héroïques pour être vrais ( mais après tout cherche-t-on ici à « être vrai » ?) à voir avec des yeux d’enfants, et avec le recul dont le réalisateur a lui-même su faire preuve.

    Un film qui certes n’arrive pas à la hauteur des films auxquels il se réfère, par manque de complexité des personnages et de l’intrigue, mais qui, tout de même, nous fait oublier ses 2H35. Ce qui n’est déjà pas si mal. Et à voir ma voisine de salle (dont j’ignore malheureusement le media, j’aurais été curieuse de lire ou entendre sa critique…) qui, avant que la projection ne débute, disait avec désinvolture ne pas aimer « ce genre de film », a terminé la projection finalement complètement scotché à l’écran, je me dis qu’il n’a pas totalement échoué…

    « La seule chose que l’on possède c’est sa propre histoire. Alors vouloir en faire une bonne histoire, désirer avoir une existence bien remplie, vivre une belle aventure, accepter d’affronter la peur pour ne pas tourner le dos aux possibilités que vous offre la vie… ». Ainsi Baz Lurhmann résume-t-il « Australia ». A vous de voir si cette belle aventure vous embarquera « somewhere over the rainbow » ou en tout cas dans les décors majestueux de cette Australie qui donnent indéniablement envie de partir à la  découverte de son Outback qu’il amorce  et à laquelle il incite magistralement.

    Bonus: retrouvez également ma critique de "The great gatsby" de Baz Luhrmann en cliquant ici.